L’ambition initiale était louable lorsque l’agriculture intensive s’est développée à partir des années 60. Avec l’explosion démographique du XXème siècle (2 milliards d’habitants en 1930 VS près de 8 milliards aujourd’hui) nourrir la planète est devenu un des enjeux majeurs de notre temps. Pourtant, en 2023, le constat est sans appel : la faim progresse toujours.
D’ailleurs, loin d’avoir résolu ce problème, l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides de synthèse et la mécanisation à outrance en ont créé des nouveaux : pollutions généralisées, destruction des écosystèmes, gaspillage alimentaire. L’échec est cuisant.
Heureusement en parallèle ce sont des milliers de projets agricoles responsables qui voient le jour chaque année et tentent d’inverser la tendance.
Quelles sont donc ces approches & techniques agricoles synonymes d’espoir ?
Un bref historique
Les prises de conscience ont commencé dès les années 1920 en réaction aux premières utilisations de la chimie en agriculture.
Face au constat de certaines dégénérescences du vivant liées à ces méthodes, de nouveaux courants de pensée s’organisent et vont aboutir près de 70 ans plus tard aux différents labels que l’on connaît aujourd’hui : AB, Nature et Progrès, Demeter, etc.
Henri-Charles Geffroy, le fondateur de La Vie Claire, est un des pionniers de la promotion de l’agriculture durable.
Souffrant des conséquences de son exposition au gaz ypérite durant la Première Guerre Mondiale et dans l’espoir d’accroître son espérance de vie, il fait le choix radical de repenser entièrement sa manière de s’alimenter.
Il fonde en 1946 la revue La Vie Claire pour s’exprimer librement sur ces sujets. Face au succès rencontré et à la demande de ses lecteurs, il décide de développer et de commercialiser des aliments en phase avec les normes recommandées dans la revue. Il vivra jusqu’à l’âge avancé de 86 ans.
Focus sur l’Agriculture Durable
L’Agriculture biologique (AB)
Les produits issus de l’agriculture biologique sont facilement identifiables grâce à l’Eurofeuille ou au logo AB. Excluant tout recours à des molécules de synthèse (engrais, désherbants et pesticides chimiques), elle promeut le recours à des pratiques de production et d’élevage respectueuses de l’environnement et des équilibres naturels. Très contrôlée, la filière «bio» est un vrai gage de qualité pour les consommateurs.
Ce label respecte un cahier des charges garantissant une production agricole paysanne respectant les équilibres naturels. La dimension locale est également valorisée par le label.
Au-delà des normes et labels certain.e.s producteur.rices s’inspirent des principes de la permaculture et/ou créent des systèmes agricoles associés aux arbres (agroforesterie) pour créer des dynamiques environnementales vertueuses.
C'est une approche valorisée par le label « Demeter ». Le domaine agricole est géré suivant les principes de l’agriculture biologique mais avec en plus d’autres outils pour renforcer l’immunité des plantes et stimuler la fertilité de tout le site agricole. Cela implique le suivi d’un calendrier lunaire, l’application de composts et préparations biodynamiques à base notamment de plantes médicinales et de bouses de vache.
Les techniques agricoles alternatives
La permaculture n’est pas garantie par un label puisqu’au-delà de pouvoir être appliquée à l’agriculture c’est une philosophie qui s’applique à toutes les sphères du quotidien.
Le concept est né en Australie dans les années 70 ; il repose sur 3 éthiques : prendre soin de la Terre, prendre soin des Hommes et partager équitablement les ressources.
Ces éthiques se déclinent à leur tour en 12 principes tels que « collecter et stocker l’énergie » ou encore « ne pas produire de déchets ».
L’hydroponie quant à elle est un peu à part : il s’agit de cultiver non pas en terre mais dans l’eau. La certification AB ne s’appliquant qu’aux cultures prenant racine dans la terre, les productions issues de l’hydroponie ne peuvent pas être qualifiées de biologiques.
Pour autant il est possible de produire en hydroponie de façon responsable des aliments sains et goûtus. D’autant plus que c’est une alternative agricole très intéressante dans des zones où le sol est une ressource rare et/ou polluée comme en ville.
La santé du sol et l’arbre au cœur de l’Agriculture Durable
Pour produire tout en favorisant la biodiversité et lutter contre le changement climatique de nombreuses fermes responsables s’inspirent de l’écosystème de la forêt. Les arbres d’une forêt ont poussé sans intervention humaine.
Il existe donc des synergies qui génèrent de la fertilité sans que l’homme n’intervienne. Elles sont directement liées à la présence et à l’activité des micro-organismes qui habitent le sol.
1g de terre
= 10 milliards de micro organismes
*Dans 1 gramme de sol vivant, on retrouve environ 10 milliards de micro-organismes (vers de terre, bactéries, champignons et tant d’autres) alors que dans les sols travaillés à outrance, mis à nu et lessivés, cette vie microbiologique disparaît quasiment.
Ces micro-organismes sont des décomposeurs hors norme : ils transforment tout ce qui tombe sur le sol (feuilles, bois mort, déjections) en minéraux nutritifs pour les plantes et alimentent ainsi le « frigo » de ces dernières.
Le nombre de services auxquels ils contribuent est énorme :
- aération du sol,
- infiltration de l’eau,
- créations de galeries permettant aux racines de prospecter plus loin,
- régulation des pathogènes, etc.
Cette dynamique forestière est reproduite dans les systèmes agricoles à travers l’agroforesterie : en associant arbres, haies, cultures et/ou animaux sur une même parcelle agricole, on augmente la productivité mais aussi les niveaux de biodiversité. Plus précisément lorsque les arbres sont associés aux animaux on parle de sylvopastoralisme.
L’arbre apporte ombre et nourriture aux animaux, les déjections de ces derniers enrichissent le sol. Et si un système de rotation rapide est mis en place (appelé pâturage tournant dynamique) cela favorise la régénération de la prairie et sa capacité à stocker du carbone parfois de manière plus efficace que la forêt.
On retrouve également cette dynamique dans le soin apporté au sol : en couvrant le sol et en le nourrissant (au même titre que la litière de la forêt) on stimule l’activité microbiologique du sol et la fertilité de ce dernier.
C’est pour cela qu’en permaculture et au sein du réseau MSV (Maraîchage sur Sol Vivant) on recommande de couvrir le sol et de lui apporter de la matière (paille, feuilles etc.) plutôt que de le laisser à nu ; alors sujet à l’érosion et à la perte de fertilité.
10 %
*Bien que ces formes d’agriculture durable restent encore aujourd’hui minoritaires (la surface agricole bio par exemple, n’est que de 10 % en 2022 d’après le Ministère de l’Agriculture), les solutions agricoles existent et les prises de conscience ne font qu’évoluer dans le bon sens et à toutes échelles.
Continuons donc ensemble à faire le choix d’un modèle agricole durable par une consommation responsable !